Les oiseaux de Wassadou
Ah, Wassadou!! On a déjà parlé à quelques reprises du campement de Wassadou, site maintenant bien établi sur le circuit ornitho sénégalais, notamment ici et là. Après avoir découvert trop brièvement ce coin fabuleux en février dernier, un long weekend en juin a été l’occasion d’y retourner en compagnie de Miguel puis de Gabriel qui nous a rejoint sur place. Que du bonheur! J’avais donc envie de vous présenter un peu plus ce petit coin de paradis et de partager quelques photos prises sur place.
Voici en vrac quelques espèces, à commencer par les rapaces. Il y a ici une incroyable diversité de rapaces diurnes, tous visibles depuis la terrasse naturelle du campement surplombant le fleuve Gambie. Dès le milieu de la matinée, vers 10-11h, il suffit de s’installer sur le promontoire, et le défilé commence: Aigles de Wahlberg, ravisseur et huppard, Pygargue vocifère, Buse d’Afrique, Busautour des sauterelles, Circaète brun, Autour unibande, Epervier shikra, Balbuzard pêcheur, Bateleur, bien sur les Gymnogènes et aussi cet autre rapace unique en son genre, le Vautour palmiste.
Ainsi en juin nous avons pu observer pas moins de 14 rapaces différents. Sur les quelques 227 espèces contactées ces dernières années à Wassadou et dans les environs immédiats du campement, il y a pas moins de 28 rapaces, plus 4 faucons – impressionnant! Il y a d’ailleurs toujours de quoi voir lorsqu’on scrute le ciel: avec un peu de chance, on verra la Cigogne épiscopale ou un Jabiru, et parmi les nombreux martinets se cachent peut-etre quelques Martinets marbrés, espèce connue dans le pays uniquement du PNNK et dont nous avons pu voir plusieurs individus en juin.
Le Pluvian fluviatile est sans doute l’une des stars du site, et de plus il est généralement facile à voir ici, en train de parcourir les bancs de sable des abords du fleuve. J’imagine qu’au plus fort de la saison des pluies (août/septembre-octobre), lorsque la Gambie déborde parfois largement de ses berges pour inonder le campement même, ces oiseaux sont alors absents mais sinon le reste de l’année ils semblent bien fidèles au poste. Idem d’ailleurs pour le Grébifoulque, cet autre oiseau spectaculaire qu’on aura le plaisir de voir à Wassadou.
Autre spécialité locale, le Vanneau à tête blanche est plus difficile à voir et il faut parfois attendre un peu avant de le voir surgir de nulle part, lui aussi fréquentant les berges et zones exondés du fleuve. Comme le Pluvian, ce limicole s’observera le plus facilement lors d’une sortie en pirogue.
Les martin-pêcheurs sont particulièrement bien représentés à Wassadou, toutes les espèces régulières du Sénégal peuvent être vues ici. Le Martin-chasseur à poitrine bleue est commun, lançant son chant étonnant à longueur de journée. Toujours discret et imprévisible, le Martin-pêcheur azuré a été observé à plusieurs reprises ces dernières années et est à rechercher dans l’ombrage des buissons surpblombant la rivière aux alentours du campement, ou s’observera furtivement lors d’un déplacement d’une rive à une autre. Les Guêpiers à gorge rouge nichent dans les berges, et en saison sèche il est possible de voir des Guêpiers écarlates survolant la zone, parfois en effectifs impressionnants.
On continue avec une espèce phare d’un tout autre registre, la Tourterelle de l’Adamoua. Découverte en Gambie et au Sénégal il y a une trentaine d’années seulement (Baillon 1992), cette tourterelle est relativement facile à trouver lors des sorties en pirogue sur la Gambie, de préférence tôt le matin ou le soir lorsque les oiseaux viennent s’abreuver. Et avec un peu de chance on la croisera dans la ripisylve aux alentours du campement, comme l’oiseau ci-dessous:
Parmi les passereaux les plus remarquables, citons entre autres le Noircap loriot, l’Apalis à gorge jaune, Prinia à ailes rousses, Gobemouche des marais, Gobemouche drongo, Tchitrec bleu, Hyliote à ventre jaune, Souimanga violet, Amarantes pointé et masqué (même celui de Kulikoro a été signalé non loin d’ici). Le Combassou de Wilson et la Veuve togolaise ont tous les deux été rapportés sur eBird. Du côté des hivernants, en février dernier on a eu entre autres le Rossignol philomèle, l’Hypolais obscure, le Phragmite des joncs, et de manière bien moins attendu un Pouillot ibérique chanteur – tous le long du fleuve. C’est là également qu’il faut rechercher la Bergeronnette pie, espèce très répandue en Afrique subsaharienne mais plutôt localisée au Sénégal, qui comme plusieurs autres espèces atteint ici sa limite septentrionale dans le pays.
Des choucadors de toutes sortes font des va-et-vient continus en quête d’eau et de nourriture autour du campement, comme ce Choucador à queue violette photographié en juin dernier.
On termine notre tour d’horizon trop rapide avec la fabuleuse Chouette-pêcheuse de Pel, phantome du fleuve qu’on pourra tenter de voir au crépuscule lors d’une sortie en pirogue, parfois à quelques centaines de mètres seulement du campement. En juin dernier, nous entendons un jeune crier chaque soir, et on a la chance de d’abord voir ce qu’on suppose être un adulte (photo d’en-tête), puis plus en aval le jeune vient se poser non loin de nous (photo ci-dessous): ces oiseaux sont présents depuis la fin de l’an dernier au moins et il donc probable qu’ils aient niché dans les environs immédiats du campement. Notons encore que parmi les nocturnes, on pourra entendre le Petit-duc africain, et à la tombée de la nuit il est parfois possible de voir des engoulevents chasser au-dessus de la rivière (à longue queue et à balanciers).
Difficile de s’arrêter en fait… car comme si tout cela ne suffisait pas encore, il y a encore un autre oiseau tout aussi unique et au statut quasi-mythique au sein de l’avifaune africaine: le Bihoreau à dos blanc! Déja vu furtivement par mes amis genevois en février, il nous a fallu un peu de temps lors de notre visite la plus récente pour comprendre que les grognements et roucoulements parvenant de la végétation dense juste en bas du promontoire, là où se jette un ruisseau dans le fleuve, n’étaient rien d’autre que le cri (ou chant?) de ce héron nocturne si discret et si peu connu au Sénégal. Et dont ce cri n’est pas mentionné dans les guides de terrain (et on l’apprendra plus tard, cette vocalisation n’était pas encore disponible dans les principales banques de données de sons d’oiseaux). Je vous invite donc à découvrir deux enregistrements faits avec mon modeste Olympus LS-12, ici avec les Babouins en arrière-plan. On les attendra à la tombée de la nuit, et effectivement: trois bihoreaux quittent leur cachette en criant pour aller se nourrir au bord de la rivière – on en verra un dans la pénombre juste en face du campement, visiblement en train de pêcher à l’affût depuis une branche au bord de l’eau. Le lendemain au petit matin, les oiseaux ont déjà regagné leur “dortoir”, mais un dérangement (sans doute par des singes) fait décoller un adulte qui part alors vers l’amont. Jean-Francois Blanc et collègues ont d’ailleurs rapporté la présence du Bihoreau à dos blanc plus en aval de l’autre côté du PNNK, à Mako en mars 2016, suggérant – avec raison – que “cette espece discrète pourrait etre sous-détectée le long de la Gambie au Sénégal”. Et tout récemment, Gabriel l’a trouvé au bord de la Falémé dans la réserve du Boundou!
Et puisqu’on parle de nocturnes, voici les Mégadermes à ailes orangées vus en février dernier à deux pas du resto du campement.
Wassadou c’est donc bien plus que les oiseaux! Deux Hippopotames ont élu domicile devant le campement, tout comme quelques Crocodiles du Nil. A l’aube et au crépuscule, avec un peu de chance on verra le Guib harnaché, le Céphalophe à flancs roux voire d’autres ongulés venir boire. Les Singes verts sont omniprésents, deux troupes de bruyants Babouins de Guinée rôdent dans la ripisylve et passent la nuit dans les fromagers au bord de l’eau. Le Colobe de Temminck (Piliocolobus (badius) temminckii), taxon classé En Danger par l’UICN, endémique à la sous-région puisqu’il est restreint à la partie occidentale des forêts de la Haute-Guinée: le sud du Sénégal, la Gambie, la Guinée-Bissau et le nord de la Guinée. Au Sénégal, il y aurait “probablement moins de 400-500 individus dans le PN du Delta du Saloum, et probablement moins de 100 dans la population du PNNK et du nord-ouest de Guinée” (IUCN).
Où observer?
C’est simple: en vous posant sur la terrasse, une bière ou un jus dans la main, les jumelles dans l’autre, le téléscope posé devant la chaise longue. Ou à côté du hamac, c’est selon les envies. On peut donc facilement passer quelques heures ici, mais une ballade dans la brousse environnante permettra de pleinement apprécier la richesse du coin: en suivant le sentier longeant le fleuve en partant vers l’amont du campement, on pourra trouver toute une série d’oiseaux, notamment divers passereaux, et il est possible d’accéder au bord de l’eau à quelques endroits. Et bien sûr, ne pas oublier de prévoir au moins une sortie en pirogue!
Il faut prévoir un minimum de deux nuits sur place, plus si possible – d’autant plus si on a envie de faire une excursion dans le parc du Niokolo-Koba (où l’on pourra également passer une ou deux nuits, au campement du Lion ou à Simenti).
Comment rejoindre Wassadou?
Le campement se situe juste en face du Niokolo-Koba (la Gambie fait office de frontière du parc ici), à 2-3 kilomètres du goudron Tambacounda – Kédougou, plus précisément ici. Et contrairement au PNNK, pas besoin de 4×4 pour rejoindre le site! Par contre, il faut bien compter 8 heures de route depuis Dakar. L’établissement dispose d’une dizaine de cases simples mais corrects (ne vous fiez pas à l’apparence du site internet du campement, qui a besoin d’un serieux relooking).
8 responses to “Les oiseaux de Wassadou”
Trackbacks / Pingbacks
- October 29, 2018 -
- January 4, 2019 -
Thanks for this again so exciting reading. Definitely a site to consider visiting in one of the next stays. As a homework for now it‘s already interesting looking up all the species you mention in your report.
Thanks Priska. Yes should definitely go, you’d love it out there!
Que de beaux souvenirs, merci Bram ! Tu peux encore ajouter à la liste des mammifères la Loutre à joue blanche – African Clawless Otter – Aonix capensis qui fût une belle surprise de notre visite de février ! Et que dire de cette Genette pardine juste sous la terrasse 🙂 Bref, définitivement un des meilleures spots naturalistes du Sénégal !
Ah oui c’est juste, merci. J’avais oublié cette fameuse loutre (mais j’ai failli inclure la photo de la Genette!). Difficile de faire le tour complet tant il y a des choses à voir. Et bien d’accord avec toi, c’est un des sites les plus riches… et les plus sympathiques du Sénégal!!
Thanks for this information – I have the chance to visit at the end of November this year. How do you think waters levels would be for a chance to see Egyptian plover?
Thanks for your comment and great to hear that you will visit Wassadou. End of November should be good as by then the water levels should have dropped substantially. Several birds were seen mid and end October 2016 here, so I’d assume that they will be around.