Au fond du PNNK

John Rose et Dimitri Dagorne nous présentent les résultats d’un récent périple dans le Niokolo-Koba, le dernier d’une série d’inventaires menés par un petit groupe de passionnés du parc. Merci à eux!
Le Parc National du Niokolo-Koba (PNNK) est une aire protégée de 913 000 hectares, retranchée au sud-est du Sénégal à la frontière de la Guinée. Depuis sa création en 1954 il fut le théâtre de nombreux tourments : braconnage, invasion de plantes exotiques, exploitation destructrice des ressources naturelles, tensions avec les habitants expulsés. Mais les efforts accrus de conservation depuis plusieurs années semblent avoir redonné un souffle de vie à ce qui est à présent un des rares grands sanctuaires de biodiversité d’Afrique de l’Ouest.
Pendant cinq ans (2012-2017) l’association française COMETE International (dissoute le 27/1/18), en se coordonnant avec d’autres organismes d’appui comme l’Association des Naturalistes des Yvelines (ANY), le Centre Ornithologique Île-de-France (ex-CORIF, absorbé par la LPO), l’African Bird Club, l’association sénégalaise NCD, et l’UNESCO, a soutenu les efforts des communautés locales pour la valorisation du parc et le développement durable des zones alentour. C’est avec la coopérative des guides du Parc National du Niokolo-Koba (GIE NIOKOLO) qu’ont été ainsi menées une quinzaine d’inventaires ornithologiques avec la collaboration des autorités du parc (Direction des Parcs Nationaux) et une demi-douzaine de voyages touristiques équitables, activités qui relevaient au total environ 4 000 observations de 259 espèces d’oiseaux dans la partie centrale “touristique” du PNNK et ses proches alentours.
Le but principal du voyage actuel, parrainé sur le plan scientifique par l’ANY, était de prospecter les zones du PNNK pas encore explorées dans le cadre de ce projet. Il a été planifié par deux membres de l’équipe scientifique du projet (Dimitri et John) et rejoint par un troisième naturaliste amateur, Jean-Jacques Pailler. Les zones ciblées dans l’est, le sud et l’ouest du parc ne sont accessibles qu’en fin de saison sèche (avril jusqu’à mi-juin) quand les gués sur le fleuve Gambie sont navigables, et nous avons visé la période tardive juste au début des pluies pour éviter le plus fort de la canicule, et pour pouvoir observer des migrateurs intra-africains venant des forêts guinéennes et équatoriales.
Arrivés à l’aéroport de Dakar dans la soirée du 31 mai 2018, nous nous faisons conduire le lendemain dans notre pickup 4×4 à Dialacoto, grand village chef-lieu de la commune de ce nom situé à 480 km de Dakar et à une dizaine de kilomètres de l’entrée principale du PNNK. Le lendemain nous expérimentons, en compagnie de neuf guides du GIE NIOKOLO, un nouveau circuit ornithologique pédestre dans la forêt de Diambour juste au nord de Dialacoto (carte du circuit ici). La savane boisée, bien que proche des activités humaines, offre un sentiment d’immersion dans une nature isolée. Paysages métamorphosés par les saisons, à cette période sèche nous observerons un total de 37 espèces d’oiseaux dont le Bucorve d’Abyssinie, l’Amadine cou-coupé, un groupe d’Hirondelles à ventre roux, et un vol de 61 Pélicans blancs se dirigeant vers le nord (probablement vers le Parc National des Oiseaux de Djoudj qui est leur principal lieu de reproduction) (Abyssinian Ground Hornbill, Cut-throat, Rufous-chested Swallow, Great White Pelican). Ce circuit fait dorénavant partie de l’offre de tourisme ornithologique des guides ainsi familiarisés.
Après une nuit tranquille passée au campement Chez Ibrahima à la frontière du parc, nous pénétrons enfin les terres du PNNK, accompagnés de notre guide du GIE Banna Kanté et du lieutenant Assane Fall, mis à disposition par la Direction des Parcs Nationaux au vu du caractère scientifique de notre mission. Arrivés à Simenti sur le fleuve Gambie, nous étions contents de voir que l’hôtel, seul lieu d’hébergement confortable à l’intérieur du parc avant sa fermeture deux ans auparavant, était en train d’être remis en état pour réouverture pour la prochaine saison touristique (la saison sèche, de décembre à mai). Le tableau qui se présente à nous à la mare de Simenti adjacente est révélateur d’une saison 2017/18 particulièrement aride. Ce plan d’eau peu profond, qui accueille normalement un cortège d’échassiers et de limicoles pataugeant entre les crocodiles, était réduit à quelques pièces d’eau et bains de boue pour phacochères. Nous terminerons la journée au Campement du Lion géré par le GIE, où les murmures de la faune nocturne berceront notre sommeil.
Dès l’aube de notre deuxième jour dans le parc, installés sur un rocher en bord du fleuve Gambie, nous accompagnerons l’éveil de la savane. A quelques mètres de nous les couleurs encore ternes d’une Rhynchée peinte (Greater Painted-Snipe) s’illuminent doucement sous les premières lueurs de la journée. Il est l’heure de poursuivre nos inventaires, et confortablement installés dans la benne du 4×4, nous traversons le Gambie au Gué de Damantan pour atteindre pour la première fois la moitié sud du PNNK. Notre méthode d’inventaire est de rouler à moins de 15 km/h en nous arrêtant le temps nécessaire d’identifier chaque oiseau rencontré. Nous saisissons ainsi les données géolocalisées sur le terrain, au moyen des applis smartphone eBird pour toutes les espèces et celle de l’observatoire participatif African Raptor DataBank pour les rapaces.
Notre premier inventaire matinal de 32 km, sur la piste entre le Gué de Damantan et Barka Bandiel, était ponctué par un arrêt au mausolée d’un imam vénéré à Damantan, ce village évacué lors d’un agrandissement du parc qui reste toujours un important site de pèlerinage. Pour l’inventaire suivant, nous suivions sur 30 km la piste jusqu’à Oubadji, avant que nous soyons obligés d’atteindre en hâte au crépuscule ce dernier village à la frontière extérieure du Parc. Le campement communautaire, où nous avons passé la nuit, est aussi rudimentaire dans son confort que son cadre est merveilleux. Le petit déjeuner en plein air du lendemain nous offrira un spectacle matinal de nombreux oiseaux dont le Coucou de Klaas, le Cubla de Gambie, et le Touraco violet (Klaas’s Cuckoo, Northern Puffback, Violet Turaco).
Peu après avoir quitté Oubadji, nous observons notre première nouvelle espèce d’oiseau pour le PNNK (par rapport aux inventaires précédents), un choucador (“merle métallique”) perché au sommet d’un petit arbre : un Choucador de Swainson.
Nous poursuivons en traversant de nouveau le Gambie au Gué de Malapa, qui n’est en vérité qu’une traversée non balisée du très large lit desséché et rocailleux du fleuve. Puis nous suivons vers l’est la rive droite du fleuve qui forme la frontière sud du parc. C’est alors que nous ferons une observation très rare de trois Amarantes de Kulikoro, oiseau réputé jusqu’à très récemment d’être absent du PNNK. La peine pour la traversée et la distance nous séparant de notre prochain campement nous contraignent à arrêter notre inventaire après 66 km de piste très difficiles et à finir le trajet de nuit ; nous bivouaquerons au plateau du Mont Assirik à la station de recherche sur les chimpanzés, grâce à une autorisation spéciale des autorités du parc.
Nous consacrons notre quatrième jour dans le PNNK à explorer à pied les abords du Mont Assirik, la seule zone où les visiteurs sont autorisés à se déplacer à pied. Nous partirons à l’ascension du sommet, point culminant du parc à 311 mètres. Perdus dans nos comptes par les nombreuses nuées de passereaux multi-spécifiques s’enchaînant aux sommets des arbres, nous observons 11 Loriots dorés (African Golden Oriole) dont un groupe de sept en vol bas. Autre observation notable : quatre Pluviers de Forbes déambulant autour d’une petite pièce d’eau. Sur le chemin du retour, juste avant d’arriver au campement, un tourbillon de vent est soudain tombé sur nous, apportant à seulement quelques mètres un jeune Bateleur des savannes.
Après le déjeuner nous descendrons dans la Vallée de Stella légèrement en contrebas du campement pour poursuivre dans un étroit lit de rivière. La forêt galerie est dense, nos observations seront furtives et fragmentaires. Un œil sublimement maquillé, une crête verte et des ailes violettes, Dimitri reconnaît là le Touraco vert (Green Turaco). Une petite gorge d’un jaune éclatant sur un oiseau sombre, il s’agit d’une paire de Bulbuls à gorge claire (Yellow-throated Leaflove). Tous les deux sont des nouvelles espèces pour nous, l’observation du touraco loin de ses territoires de base à l’extérieur du parc est particulièrement significative. Dans les feuilles d’un palmier, un Noircap loriot occupé à la construction de son nid se laisse observer en toute indiscrétion. Posée dans une fourche cachée par un amas de branches, nous apercevons une Tourterelle d’Adamaoua (Adamawa Turtle-Dove).
Le lendemain matin, Dimitri a pu observer près du campement un Traquet familier, notre cinquième nouvelle espèce qui, bien qu’assez commune dans l’extrême sud-est du pays, n’a été observée auparavant qu’une seule fois dans le parc (par Geoffrey Monchaux en janvier 2018 dans la même zone). Il fallut quitter à regret le Mont Assirik pour retourner au Campement du Lion par une longue route en trois étapes d’inventaire dans le sud du PNNK, très, très sec, et décevante du côté ornitho.
Lors de notre dernière matinée au parc, nous observons aux abords du fleuve Gambie un Martin-pêcheur azuré, assez rare et surtout très discret, et un couple de Grues couronnées (Shining-blue Kingfisher & Black Crowned Crane). Nous prenons la route vers la sortie du PNNK pour nous retrouver au confort à l’hôtel de Wassadou, l’objet d’un récent rapportage dans ce blog. L’hôtel se trouve sur la rive droite du fleuve Gambie, la rive d’en face faisant partie du PNNK. Embarqués sur le fleuve le lendemain matin dans la petite pirogue à moteur de l’hôtel, nous observons de nouveau la Tourterelle d’Adamaoua et le Martin-pêcheur azuré, puis nous voyons perchée côté PNNK une magnifique Chouette-pêcheuse de Pel, notre sixième nouvelle espèce. Revenus à terre, nous observons une seconde chouette cachée sur la rive de la rivière Niériko qui se jette dans le Gambie au niveau de l’hôtel.
Dans le PNNK et ses proches alentours, nous avons observé 148 espèces d’oiseaux dont six nouvelles pour notre projet, soit un total de 265 espèces sur les quelques 360 signalées dans la littérature scientifique et archives d’observations (y compris les visiteurs passagers ou égarés). Une publication scientifique présentant les résultats du projet est en cours de préparation.
Nous partons en fin de matinée du 9 juin pour la Réserve Naturelle Communautaire de Boundou, située à environ 115 km au nord-est de Wassadou, que nous explorons pendant deux jours avant de reprendre la route pour l’aéroport via la Réserve Naturelle de Somone. Au total, nous aurons admiré lors de ce riche et intense voyage 193 espèces d’oiseaux, 21 de mammifères et plusieurs reptiles et invertébrés intéressants (voir les listes présentées dans le rapport complet disponible ici). Vos questions ou commentaires peuvent être postés ci-dessous ou adressés à John Rose.
Dindéfélo!

Dindéfélo, enfin!
Le mois dernier, j’ai rejoint la bande de copains genevois pour la 2e moitié de leur virée dans le Grand Sud-Est sénégalais. Suite à un voyage ornitho mémorable en novembre 2016, de Dakar au Djoudj et à Richard Toll et de Kousmar à Palmarin en passant par Toubacouta, tout le monde avait envie de découvrir cette autre partie du Sénégal, celle des régions de Tambacounda et Kédougou.
Après une mise en forme dans les environs de la Somone et de Popenguine où l’on a passé le weekend ensemble (Turnix mugissant! Bécasseau de Temminck! Loup africain!), l’équipe est partie en direction du sud-est, avec l’escale obligatoire à Kousmar. Suivent cinq jours dans le Niokolo-Koba et au campement de Wassadou – on y reviendra dans un futur article, si on arrive à boucler un rapport de voyage rapidement (on vous doit encore un rapport de 2016!!).
Dindéfélo donc. Après avoir rejoint le groupe et notre excellent guide Carlos à Wassadou, on prend la route pour ce petit haut-lieu de l’ornithologie sénégalaise. Situé dans les contreforts du Fouta-Djalon – le toit de l’Afrique de l’Ouest, où prennent source tous les grands fleuves de cette partie du continent – la réserve naturelle communautaire de Dindéfélo n’est qu’à deux pas de la frontière avec la Guinée. Les forêts de galerie, falaises abruptes et plateaux de latérite, le tout entouré d’une savane arborée relativement bien préservée, recèlent toute une série d’oiseaux qu’on ne trouve pas ailleurs dans le pays. C’est loin de Dakar (14h de route!), mais ça en vaut plus que la peine. Les attentes étaient donc nombreuses et ambitieuses: allait-on voir le Trogon, les Traquets à ventre roux, Rufipenne de Neumann et autres Anaplectes? Aura-t-on la chance de tomber sur l’Amarante de Kulikoro (= A. du Mali), de trouver la Cisticole de Dorst? Et surtout, les Chimpanzés seront-ils au rendez-vous?
On a donc débarqué le samedi soir au campement villageois de Dindéfélo (il y en a plusieurs, celui-ci se trouve en bordure du village au départ du sentier pour les cascades), juste à temps pour faire un petit tour dans les environs du campement avant la tombée de la nuit: Tchitrec bleu, Gobemouche drongo, Pririt à collier, Petit-duc africain étaient là pour nous accueillir (African Blue Flycatcher, Northern Black Flycatcher, Common Wattle-eye, African Scops Owl).
Le lendemain, c’est l’excitation collective générale: on part à la découverte de la réserve. On est nombreux (11!) donc on s’éparpille forcément, chacun y a va à son rythme et selon ses envies. Avant même d’arriver dans la forêt proprement dite, d’aucuns auront vu le Coucou de Klaas, l’Echenilleur à épaulettes rouges, d’autres une Hyliote à ventre jaune, Souimanga violet, Apalis à gorge jaune, ou encore Gladiateurs souffré et de Blanchot, Choucador à queue violette et j’en passe (Klaas’s Cuckoo, Red-shouldered Cuckoo-Shrike, Yellow-bellied Hyliota, Violet-backed Sunbird, Yellow-breasted Apalis, Grey-headed & Orange-breasted Bush-Shrike, Bronze-tailed Starling). Dans la forêt, au niveau du dernier groupe de laveurs de linge (comme l’écrivait l’ami Simon, avec une ambiance sonore agitée! et surtout, pas trop top pour faire des enregistrements), Cyril et moi apercevons un Trogon narina: on prévient le reste du groupe et tout le monde aura la chance de voir cette espèce si convoitée par les ornithos, trouvée seulement en 2010 pour la première fois dans le pays, ici même à Dindéfélo (Aransay et al. 2012). Au moins quatre individus seront vus lors de notre séjour, tous dans le vallon des chutes de Dindéfélo.
Dans le même registre, deux autres espèces nouvelles pour le Sénégal ont été observées pour la première fois à Dindéfélo ces dernières années: l’Engoulevent pointillé en mars 2016 par J.-F. Blanc et cie. (avec enregistrement de Marc Thibault ici), et la Bergeronnette à longue queue en avril 2015 (Pacheco et al. 2017). Il en est de même pour d’autres groupes faunistiques, avec p.ex. la première donnée de la Genette de Johnston ou encore ce serpent et ces amphibiens nouveaux trouvés par Monasterio et al. (2016).
Une escale à la chute d’eau permet de très bien voir un Autour de Toussenel adulte longuement posé près des cascades, et dans les falaises tout près on voit une dizaine d’Hirondelles isabellines (qui je vois ont été splittées par HBW, sous le nom d’Hirondelle de Fischer Ptyonoprogne rufigula). Parmi les autres spécialités locales, on verra le Traquet familier, le Barbion à croupion jaune, le Touraco vert, et le Souimanga à tête verte (Red-chested Goshawk, Rock Martin, Familiar Chat, Yellow-rumped Tinkerbird, Guinea Turaco, Green-headed Sunbird).
Sur le plateau de Dande, où on passera la nuit dans le sympathique campement local du petit village peulh, on verra notre première Mésange gallonnée et le premier Mahali à calotte marron de la semaine (White-shouldered Black Tit, Chestnut-backed Sparrow-Weaver). Un Petit-duc à face blanche (Northern White-faced Owl) se fait brièvement entendre le soir, et on aura la chance d’apercevoir un Gallago lors d’une excursion nocturne dans les environs du village.
On passe la matinée sur ce curieux plateau parsemé de termitières “champignons” créant un paysage assez unique, avec de belles observations de Cochevis modeste, particulièrement nombreux ici, le Bruant d’Alexander, encore des Traquets familiers, et ainsi de suite. (Sun Lark, Gosling’s Bunting, Familiar Chat).
La surprise du jour viendra d’une Gorgebleue peu farouche, se nourrissant entre les termitières dans un coin on ne peut plus sec… vraiment inattendu vu la localité et le milieu: sans doute un migrateur en escale, déjà en route pour rejoindre ses quartiers d’été en Europe de l’Ouest. (L’autre surprise sera un peu moins agréable: une attaque d’abeilles sauvages, à l’aube près de la grotte de Dande. Disons que la course qui s’en suit nous a bien réveillés!).
Il est déjà temps de quitter le plateau, car les deux prochaines nuits on les passe de nouveau à Dindéfélo. Et surtout, on a rendez-vous avec des cousins dans l’après-midi: on part à la rencontre des Chimpanzés! Les trois sorties – les groupes sont limitées à trois personnes par sortie – sont organisées à travers le charmant centre d’accueil de la réserve, où l’on s’occupe des formalités pour payer la visite avec un écoguide de Ségou.
La descente de Dande à Dindéfélo permettra à une partie du groupe d’ajouter le Rufipenne de Neumann et l’Étourneau amethyste (Neumann’s & Violet-backed Starling) à la liste. Un ou deux Laniers évoluent à la limte des falaises et du plateau, tandis que quelques Vautours charognards, africains et de Ruppell nous passent par-dessus (Hooded, White-backed & Ruppell’s Vultures). Dans la même zone, quelques-uns d’entre nous aurons la chance d’observer le Crécerelle renard (Fox Kestrel), cette autre spécialité locale étroitement liée aux milieux rupestres.
Pendant que le premier groupe part dans la vallée de Ségou, le reste de l’équipe s’en va explorer la brousse entre Dindéfélo et Ségou, à la recherche d’Amarantes masqués et de la Cisticole de Dorst notamment. On verra très bien ces deux espèces, avec en bonus une série prestigieuse d’espèces localisées ou très clairsemées et souvent difficiles à trouver au Sénégal: une ou deux Rémiz à ventre jaune, quelques Prinia à ailes rousses, un Bruant a ventre jaune, un couple de Traquets à front blanc et un de Pics à dos brun, et plusieurs Gobemouches pâles (Yellow Penduline-Tit, Red-winged Warbler, Brown-rumped Bunting, White-fronted Black Chat, Brown-backed Woodpecker, Pale Flycatcher). Deux autres visites dans le même secteur les jours suivants permettent d’ajouter entre autres l’Hirondelle à taches blanches, l’Amarante du Kulikoro et le Torcol fourmillier (Pied-winged Swallow, Mali Firefinch, Wryneck). Plusieurs de ces oiseaux fort sympathiques ont pu être enregistrées et surtout photographiées par mes amis mieux équipés (et surtout meilleurs photographes!) que moi, donc des photos devraient suivre encore pour la plupart. Pour les prises de sons, rendez-vous habituel sur xeno-canto (lien direct vers mes enregistrements de Kédougou ici).
Le soir au campement, j’entends un engoulevent chanter au loin, au pied des falaises: une écoute plus rapprochée le lendemain soir confirmera qu’il s’agit de l’Engouvelent pointillé, avec au moins deux chanteurs au loin mais encore bien audibles, au milieu du concert d’au moins six Petits-ducs africains qui se répondent (Freckled Nightjar, African Scops Owl).
Le vallon de Ségou est assez différent de celui de Dindéfélo, avec un milieu plus ouvert dans la première moitié du vallon, parsemé de rôniers, puis une alternance de forêt sèche et de bambous denses. Nos trois visites dans le secteur sont plutôt fructueuses: Beaumarquet aurore, (enfin! l’une de mes coches du séjour :-), Amarantes du Kulikoro et à ventre noir, Capucin pie, Tourterelle de l’Adamaoua (un chanteur), Buse d’Afrique, Mélocichle à moustaches pour ne citer que les plus marquants (Red-winged Pytillia, Mali & Black-bellied Firefinch, Magpie Mannikin, Adamawa Turtle-Dove, Red-necked Buzzard, Moustached Grass-Warbler). La diversité d’amarantes – et donc logiquement aussi de combassous, même si on n’a vu que le Combassou du Sénégal) – est impressionnante, avec pas moins de quatre espèces, sans compter l’Amarante pointé vue à plusieurs reprises par mes camarades à Wassadou. Et à propos d’amarantes: j’apprends que HBW a aussi splitté l’Amarante masqué en trois espèces distinctes, dont l’Amarante vineux pour Lagonosticta vinacea (Vinaceous Firefinch) qui du coup deviendrait donc un nouvel endémique régional, étant restreint à la Sénégambie, la Guinee-Bissau, la Guinée et le Mali.
C’est déjà mercredi, il est temps de quitter la zone car on a encore prévu une nuit à Kédougou afin de pouvoir visiter le secteur de Fombolimbi, situé à une vingtaine de kilomètres au sud-est du chef-lieu régional. Dans les falaises, sur le plateau et autour des affleurements rocheux on espère trouver encore quelques oiseaux typiques de ces milieux. Mais avant de rejoindre Kédougou, on fait d’abord escale près du fleuve Gambie, où l’on observera entre autres un couple de Mahalis nourrissant un jeune, Bateleur, Circaètes cendré et de Beaudouin, Busard des roseaux, Faucon ardoisé, Martin-chasseur strié, une famille de Poulettes de roches, etc. (Chestnut-backed Sparrow-Weaver, Bateleur, Western Banded & Beaudouin’s Snake-Eagle, Grey Kestrel, Striped Kingfisher, Stone Partridge). Au bord du fleuve juste sous le hameau se trouve une colonie de Guêpiers à gorge rouge, accompagnés d’un Guêpier écarlate (Red-throated & Northern Carmine Bee-eaters). On n’a pas le temps de partir plus vers l’amont mais la zone semble très prometteuse et pourrait bien réserver quelques surprises encore.
La sortie dans le secteur de Fongolimbi sera fructueuse: tout le monde aura la chance de voir le Traquet à ventre roux, un distant Aigle martial, un couple d’Anaplectes à ailes rouges (dans une petite ronde, comprenant aussi Bagadais casqués et Zosterops jaunes), et quelques Rufipennes de Neumann – ces derniers en toute fin de journée près du hameau de Thiéwoune, vraisemblablement en rassemblement avant de partir sur un dortoir dans les environs (Mocking Cliff Chat, Martial Eagle, Red-headed Weaver, White-crested Helmetshrike, Yellow White-eye, Neumann’s Starling). Sympa de voir ces derniers dans leur milieu naturel et non sur des immeubles au centre-ville de Bamako! Deux Pigeons bisets dans la falaise pourraient bien être des “vrais” bisets, mais on ne les verra que brièvement (Rock Dove).

Northern Red-headed Weaver / Anaplecte à ailes rouges (selon HBW, qui distingue maintenant deux especes d’Analplectes au lieu d’une seule)
Et les Chimpanzés alors? Ce sera pour un prochain article!
Tout comme, peut-être, le compte-rendu de notre escale à Wassadou et la longue route de retour sur Dakar en passant par Kaffrine à la recherche du Turnix à ailes blanches dans les environs de Mbar (spoiler alert: on fera chou blanc!). Faut juste que je trouve le temps pour écrire, pas facile en ce moment!
On essaiera aussi de revenir avec une mise à jour de la liste des oiseaux de la réserve et des environs de Dindéfélo, après intégration des diverses espèces nouvellement trouvées depuis l’inventaire de Fernández-García et al. en 2011. On notera ainsi une dizaine d’autres espèces qui n’avaient pas été trouvées à l’époque; quelques autres observateurs – dont Gabriel Caucal encore en décembre dernier – ont également pu compléter la liste qui s’établissait à 220 espèces à l’époque (ou peut-être 199, selon la liste détaillée). Actuellement elle compte au moins 237 espèces (dont 173 vues lors de notre séjour) et il y en a certainement d’autres encore à ajouter.
Pour en savoir plus sur la réserve de Dindéfélo, rendez-vous sur dindefelo.net.