La réserve naturelle de Popenguine

On a déjà parlé à plusieurs reprises de cette réserve si particulière, notamment pour vous faire part d’observations de Monticoles ou des Bruants d’Alexander, deux espèces emblématiques du site. J’ai eu la chance d’y faire une visite matinale il y a une quinzaine de jours, avec comme toujours des observations intéressantes à rapporter; d’autres ornithos ont également pu y faire des obs remarquables ces dernières semaines. C’est donc l’occasion de faire un rapide tour d’horizon de ce qu’on peut voir comme oiseaux à Popenguine, cette ancienne mission catholique qui de nos jours tient tout autant de la tranquille station balnéaire, du village sénégalais endormi et poussiéreux, que du lieu de pèlerinage et de culte.

Si cet espace naturel est protégé depuis longtemps (1936!), c’est à Charles Rouchouse (de l’ORSTOM, l’IRD de l’époque) qu’on doit la création de la réserve naturelle, en 1986, suite à quoi une meilleure protection est mise en place; vous pouvez en lire un peu plus sur l’histoire du site ici. Le milieu – principalement une savane arborée soudano-sahélienne – s’est bien rétabli depuis la création de la RNP, et les 1’009 ha que compte la réserve valent la peine d’être explorées à toute saison. Actuellement les quelques visiteurs se limitent généralement aux falaises, mais il y a sans doute de quoi parcourir à l’intérieur du périmètre. Je devrais vraiment y aller plus souvent, et prendre du temps pour explorer cette partie moins bien connue! Peut-être l’occasion de tomber sur une des espèces de mammifères qui auraient refait apparition depuis la création de la réserve, dont la présence de certains serait plutôt étonnante (en même temps, les bêtes à poils je ne m’y connais pas trop!) : sont mentionnés le Guib harnaché et même le Céphalophe de Grimm, la Hyène tachetée, Civette, Genette, Loup africain, et Porc-épic. Et il y a bien sûr les deux espèces de singes (Patas et Cercopithèque, le “singe vert”), Ecureuils fouisseurs et Lièvres du Cap qu’on aura plus de chance à voir que les autres espèces citées, bien plus farouches ou nocturnes.

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Vue vers le nord depuis le sentier de la falaise, un matin brumeux de novembre… Au fond, le village de Popenguine

 

Mais revenons-en aux oiseaux, à commencer par les “grives des rochers”: je me contenterai de partager ces quelques clichés lointains des Monticoles bleus, et de dire que l’espèce était déjà présente le 15 octobre cette année. Et que lors de ma dernière visite il y avait 2-3 oiseaux (un mâle, un type femelle) sur les falaises, plus un oiseau bien moins attendu car posé sur des bâtiments en limite du village, sur la partie haute non loin de la réserve. En fait c’est en quittant la chambre d’hôtes où nous étions logés, tôt le matin du 13/11, que j’ai pu voir un oiseau sur la villa même! Plus tard en milieu de matinée, rebelotte mais cette fois sur une maison voisine en construction (comme 90% des maisons sénégalaises!) d’où il a chanté un peu. Pas vu de Monticole de roche cette fois, donc pour l’instant j’en reste à notre seule et unique obs de février 2016 pour cette espèce, qui à en croire les quelques données historiques pourrait bien être régulière dans le secteur.

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Blue Rock Thrush / Monticole bleu, Nov. 2017

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Blue Rock Thrush / Monticole bleu, Nov. 2017

 

Autre spécialité du site, les Bruants d’Alexander, anciennement connu comme Bruant cannelle mais dont la sous-espèce ouest-africaine a été splittée. Les bruants sont généralement faciles à trouver le long du sentier arpentant les falaises du Cap de Naze. L’an dernier on a eu un beau mâle peu farouche (photo d’en-tête), cette fois 2-3 oiseaux dont cet individu que j’ai identifié comme un juvénile au plumage frais:

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Gosling’s Bunting / Bruant d’Alexander juv., Nov. 2017

 

Pas vu d’Hirondelle des rochers par contre, mais cet hivernant du bassin méditerrannéen est visiblement toujours hivernant ici car on vient de me signaler la présence d’au moins un individu samedi dernier (25/11; Carlos et trois ornithos danois de passage; addendum février 2018: on a pu en voir au moins 12-15 fin décembre et début janvier). Ci-dessous une ancienne photo faite sur place par Paul, avec des précisions quant au statut dans la sous-région de cet oiseau d’observation très rare hors des falaises de la RNP ici:

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Crag Martin / Hirondelle de rochers, Feb. 2012 (Paul Robinson)

 

La Pintade de Numidie et la Poulette de roche sont relativement communes dans la réserve, et je suppose qu’il en soit de même pour le Francolin à double éperons. Outarde à ventre noir, Caille des blés et Turnix d’Andalousie ont tous été observés en mai ’86.

Dans le registre des rapaces, citons les Balbuzards et Circaètes Jean-le-Blanc dont plusieurs individus hivernent dans le secteur, mais aussi le Circaète brun, le Busard des roseaux, l’Epervier shikra, le Faucon crécerelle ou encore ce Faucon de Barbarie vu en novembre 2016, et il est probable que les Faucons lanier et pèlerin se montrent aussi au moins de temps en temps car ces deux espèces affectionnent particulièrement les sites rupestres (elles sont d’ailleurs incluses dans l’inventaire de Rouchouse). Et puis il y a ce Faucon hobereau et cette Bondrée apivore vus le 15 octobre dernier par Miguel: deux espèces rarement notées par ici. Je soupçonne d’ailleurs qu’aussi bien en automne qu’au printemps il doit être possible d’observer la migration active de certains rapaces longeant la côte: le Cap de Naze pourrait bien se révéler un site d’observation intéressant pour le suivi de la migration des rapaces.

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Short-toed Eagle / Circaète Jean-le-Blanc, Nov. 2017

 

Les falaises attirent, logiquement, bon nombre de martinets, chassant au raz des sommets – souvent très venteux! – ou au-dessus de la mare. En saison d’hivernage, les Martinets cafres sont à rechercher parmi les nombreux Martinets des maisons. Les Martinets noirs et pâles sont probablement réguliers lors des deux passages. A toute saison il doit être possible de voir le Martinet d’Ussher. tout comme le Martinet des palmes. Et lors de ma dernière visite, j’ai eu la surprise de voir deux Martinets à ventre blanc ici. Ma première obs au Sénégal, et apparemment une bien rare donnée pour le pays: avant 1995, seulement quatre observations étaient connues (une de Richard-Toll, trois du Niokolo-Koba), auxquelles il faut ajouter au moins une observation à Popenguine même, par C. Rouchouse, en avril 1986, que ni Morel ni Sauvage & Rodwell n’ont mentionnée. Je n’ai trouvé que quelques mentions récentes, notamment de ce dernier lieu mais aussi d’un oiseau ayant percuté l’hôtel du Djoudj en mars 2012. Ce martinet doit pourtant être plus régulier que cela au Sénégal, mais comme l’ont montré les chercheurs de la Station Ornithologique Suisse à l’aide de leur radar en Mauritanie, les Martinets à ventre blanc migrent souvent trop haut pour être détectés par les observateurs!

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Mottled Spinetail / Martinet d’Ussher, Nov. 2016 (A. Barbalat)

 

La savane arborée et les buissons autour de la mare sont particulièrement attrayants pour toute une série de passereaux migrateurs – en gros les usual suspects tels que Rougequeue à front blanc, Hypolais polyglotte, divers pouillots, Fauvettes grisette et passerinette; Gobemouches noir et gris; la Pie-grièche à tête rousse. Aux Hirondelles de Guinée et des mosquées se mélangent des cousines nordiques comme ces quelques Hirondelles de rivage vues lors de ma dernière visite. Pipits des arbres et rousseline, Traquets motteux etc. sont à rechercher dans les zones plus ouvertes.

Charles Rouchouse avait d’ailleurs bien mis en évidence la migration active des hirondelles et martinets, dans son rapport du début des années 1980. Intitulé Mission ornithologique au Cap de Naze (Petite Côte, Sénégal) : le Cap de Naze, nouvelle réserve naturelle au Sénégal, ce pavé reste la seule référence de l’avifaune de la RNP. Peut-être qu’un jour on mettra à jour la liste, surtout si on arrive à visiter un peu plus souvent. Il faudra dans ce cas faire un peu le tri entre les données anciennes qu’on considèrerait aujourd’hui comme “douteuses”, car la liste comporte visiblement des erreurs et des données suffisamment extraordinaires qu’il aurait fallu mieux documenter, comme le Traquet deuil, le Traquet à front blanc, les Bruants fou et striolé.

Les Agrobates roux et podobé se côtoient à Popenguine: une bonne opportunité pour comparer leurs chants assez semblables, mais qu’une oreille aiguisée pourra différencier. Des petites bandes de Traquets bruns sont à rechercher dans les pentes érodées, notamment dans le vallon derrière le Cap de Naze. Le Merle africain a été vu près de la petite lagune, tandis que le Pririt du Sénégal et l’Erémomèle à dos vert peuvent se croiser tout au long du sentier longeant la falaise. D’autres passereaux africains incluent le Sporopipe quadrillé (vu en décembre 2017), les Euplectes franciscain et monseigneur, le Beaumarquet melba et son parasite la Veuve du Sahel, ou encore le Serin du Mozambique. Il y en a sans doute d’autres, comme potentiellement le Mahali à calotte marron qui est inclus dans l’inventaire sans autre précisions.

Les Coucous de Levaillant et didric sont observés – et surtout entendus – en saison des pluies, tout comme les Martin-chasseurs du Sénégal et à tête grise, le Martin-pêcheur huppé, et même le Martin-pêcheur pygmée dont un individu est vu le 13/11 dernier. Le Martin-chasseur strié et le Coucou-geai sont mentionnés par Rouchouse.

La mare regorge souvent d’aigrettes et de hérons (pas moins de 63 Hérons cendrés récemment), et est également fréquentée par quelques limicoles: chevaliers surtout, mais aussi la Rhynchée peinte et même un Bécasseau tacheté vu en mars 2013 par Simon Cavaillès. D’autres oiseaux d’eau qu’on peut y voir sont notamment le Grèbe castagneux et parfois le Goéland d’Audouin. Cote mer, il y a possibilité de voir diverses sternes et laridés, Fou de Bassan et labbes en saison, Pélicans gris, et avec un peu de chance un Fou brun (vu en janvier 2018).

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La visite de la réserve de Popenguine en vaut vraiment la peine, ne serait-ce que pour apprécier le paysage et pour faire une peu de marche en relief. Il ne vous en coûtera que 1’000 CFA pour le droit d’entrée, à payer aux bureaux de l’équipe de la Direction des Parcs Nationaux, juste avant l’entrée de la réserve, avec possibilité d’engager un guide pour vous accompagner pendant la visite, a 5’000 CFA (au moins un des gardes semble bien connaître les oiseaux!). Popenguine se trouve à moins d’une heure de Dakar, et maintenant que le nouvel aéroport devrait être opérationnel d’ici une semaine, Popenguine deviendra sans doute un lieu de passage plus courant pour les visiteurs, que ce soit à l’arrivée ou avant le départ, ce qui amènera peut-être un peu plus d’orni-touristes à visiter la RNP.

 

 

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4 responses to “La réserve naturelle de Popenguine”

  1. karpfenloch says :

    Bonjour, Popenguine est un site merveilleux. J’y suis allé deux fois. Il faut surveiller ces observations de Monticole bleu, espèce qui pourrait y nicher selon d’anciennes publications de Rouchouse dans Malimbus ! Cordialement, Paul Isenmann.

    • bram says :

      Effectivement! Meme si je doute que cette espece puisse nicher ici, il y a peut-etre parfois des estivants. Quoiqu’il en soit, on va essayer de visiter la reserve un peu plus souvent.

      Bram

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