Technopôle numéro 221…

…un Phalarope à bec étroit!

Je m’attendais bien à voir un Phalaropus un jour au Technopole, mais je pensais logiquement que ce serait celui à bec large, dont la présence au Sénégal et particulièrement à Dakar n’aurait rien de vraiment exceptionnel puisqu’il est régulier en tout cas lors du passage d’automne. De temps en temps, le Phalarope à bec large se montre dans les lagunes et marais salants un peu à l’interieur des terres, comme p.ex. en novembre dernier à Palmarin. Son cousin à bec étroit par contre est une vraie rareté en Afrique de l’Ouest… inutile de dire donc que j’étais bien content quand je me suis retrouvé devant un des ces oiseaux, de surcroît en plumage nuptial. La derniere fois que j’ai vu un phalarope nuptial c’était en… mai 1995 lorsqu’une femelle avait fait escale dans mes terres natales, près d’Anvers.

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Red-necked Phalarope / Phalarope à bec étroit

La photo ci-dessus est prise à bonne distance (80-100m?), avec le zoom digital poussé au maximum… mais on reconnait bien l’oiseau: plumage gris/blanc à l’exception de la bande marron partant de derrière l’oeil et descendant par les côtés du cou vers les flancs, contrastant avec la gorge blanche; même à cette distance on distingue le bec fin et assez long. Lors de ses quelques nerveux deplacements en vol, j’ai pu voir la barre alaire étroite mais assez nette. Il s’agissait probablement d’un mâle car la coloration ne me paraissait pas très vive (les phalaropes font partie des rares espèces d’oiseaux dont la femelle a un plumage plus coloré que les mâles). Mais apparemment il est aussi possible que ce soit une femelle de 2e année, car certains individus acquièrent déjà leur plumage nuptial lors de leur 1er été – difficile donc d’en dire plus à cette distance.

Curieux d’en savoir plus sur son statut dans le pays, j’ai fouillé les sources habituelles… mais n’ai trouvé que quelques mentions d’apparitions du Phalarope à bec étroit au Sénégal:

  • Morel & Morel ne mentionnent qu’une seule donnée, de “8 sujets à l’embouchure de la Somone, 9 déc. 1983 (A. Dupuy)”. La localité, la date, et surtout le fait qu’il y avait huit individus ensemble, plaident bien plus en faveur du Phalarope à bec large. En l’absence de documentation mieux vaut donc ne pas prendre en compte cette observation ancienne.
  • Sauvage & Rodwell incluent deux observations bien plus plausibles dans leur mise à jour de 1998: des isolés le 30/10/91 à la Pointe des Almadies et le 13/4/92 au Lac Retba (=Lac Rose).
  • Un individu est signalé par un observateur de passage lors du PAOC, pendant une séance de seawatch à Ngor le 18/10/16: “1st-winter bird came in and landed just past breaking waves […]. Smaller; more dainty than Red [=Grey Phalarope] with finer bill, darker underwing in flight, less contrasting wing stripe. Appeared darker overall, even when distant and coming in” – cette obs semble donc plutôt crédible.
  • J’attends des infos pour 10 individus signalés eux aussi sur eBird par deux ornithos espagnols, il y aurait des photos… mais me semble peu probable vu l’effectif.

Et ailleurs?

En Mauritanie, il y a trois observations d’oiseaux isolés (Cap Blanc 21/10/66, Nouadhibou 7/4/80, f. nuptiale le 17/6/88 au Banc d’Arguin; Isenmann et al. 2010). Il y a une seule observation en Gambie (Banjul, octobre 1993). Ailleurs en Afrique de l’Ouest je n’ai trouvé que quelques observations: une du Niger (21/10/89), une du Tchad (22/9/14), quatre obs récentes du Ghana (janvier, juillet, deux fois en décembre). Soit moins de 15 données en tout et pour tout, c’est pas beaucoup! Plus au sud, en Namibie et en Afrique du Sud, ce phalarope est également rare, mais il y est tout de même vu assez régulièrement, peut-etre surtout grâce à une meilleure pression d’observation comparé à l’Afrique de l’Ouest et centrale.

On peut se demander si cet oiseau, et de manière générale les quelques individus observés en Afrique de l’Ouest, ne seraient pas plutôt d’origine néarctique qu’européenne, car les populations nichant en Europe passent l’hiver dans l’Océan indien, et les néarctiques se retrouvent dans le Pacifique. Notre phalarope en escale à Dakar aurait ainsi passé l’hiver de ce côté de l’Atlantique, de la même manière que les Pluviers bronzés ou Bécasseaux roussets par exemple. Et il serait donc en route de ses quartiers d’hiver en Afrique australe vers le Haut-Arctique canadien ou le Groenland (tout ça n’est que speculation bien sur – don’t quote me on this one).

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En tout, il y avait le weekend dernier pas moins de 21 espèces de limicoles au Technopole… le phalarope étant d’ailleurs la 37e espèce de limi vue sur le site. Les effectifs étaient assez impressionnants, surtout samedi en fin de journée: il devait y avoir au moins 600 à 700 limicoles de toutes sortes!

Parmi les plus intéressants, signalons un Bécasseau variable (Dunlin) tout seul parmi les minutes, cocorlis et sanderlings, deux Gravelots pâtres (Kittlitz’s Plover) parmi les nombreux Grands Gravelots (Common Ringed Plover), un Courlis corlieu (Whimbrel) passant en vol, cinq Combattants (Ruff) et autant de Barges à queue noire (Black-tailed Godwit; rare donnée d’avril).

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Et surtout, les trois Pluviers bronzés (American Golden Plover) trouvés le lundi 17/4 qui étaient toujours présents samedi 22; le lendemain matin par contre je n’ai retrouvé qu’un des deux juvéniles, l’individu le plus sombre:

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American Golden Plover & Little Stint / Pluvier bronzé & Bécasseau minute

L’adulte continue de muer vers son plumage nuptial, ayant acquis encore un peu plus de plumes noires sur le ventre et les flancs. Difficile par contre de prendre des photos l’après-midi… les visites matinales sont bien plus propices à l’observation et la photographie des limis du Technopole: pas de contre-jour, et moins de vagues de chaleur.

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American Golden Plover / Pluvier bronzé

En plus de ce beau cortège de limicoles il y a toujours une bonne diversité chez les laridés en ce moment, avec sept espèces vues lors des deux visites: il reste encore quelques Goélands bruns (Lesser Black-backed Gull) immatures et encore 2 Audouins (Audouin’s Gull), ca. 250 Goélands railleurs, +50 Mouettes à tête grise et autant de rieuses (Slender-billed, Grey-headed & Black-headed Gulls), et encore une Mouette mélanocéphale  (Mediterranean Gull) le 23/4 et aussi toujours le jeune Goéland cendré (Common Gull) trouvé en février, vu le 22/4.

Egalement beaucoup de sternes et guifettes: quelques Sternes caspiennes, 30-50 hansels, plusieurs dizaines de caugeks, une dizaine de royales, une Sterne naine posée les deux jours et dix en migration active le 22/4, puis une Sterne arctique de 2e année le matin du 23/4… et de nouveau les trois espèces de Guifettes (deux Moustacs en migration active le 22/4, et au moins deux Leucoptères évoluant avec les Guifettes noires). (Caspian, Gull-billed, Sandwich, Royal, Little, Arctic, Whiskered, White-winged, and Black Terns)

Les passereaux paléarctiques semblent tous avoir quitté le site; juste encore quelques Hirondelles de rivage (Sand Martin), 1-2 Bergeronnettes printanières (Yellow Wagtail). Hier aussi au moins quatre Martinets noirs (Common Swift).

Curieux de savoir quelle sera la 222e espece!?

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Spur-winged Lapwing / Vanneau éperonné

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