Dindefelo
La fin de l’année a été l’occasion de visiter un site qui m’attirait depuis longtemps, Dindefelo. Situé au sud-est du pays, à la frontière avec la Guinée-Conakry, ce village principalement connu pour sa cascade est aussi un site ornithologique de toute première importance au Sénégal. Dans le pays plusieurs espèces ont leur répartition limitée à ce site, du fait des habitats uniques que l’on y rencontre.
Le plateau rocheux surplombant Dindefelo est la partie la plus occidentale du massif du Fouta-Djalon. La richesse naturaliste du site est liée à la diversité d’habitats rencontrés. Parmi les habitats les moins représentés au Sénégal on notera la forêt galerie et les falaises rocheuses.
La réserve de Dindefelo a fait l’objet d’une étude et d’une publication en 2011, Birds of Dindéfello Nature Reserve, south-east Senegal par Fernández-García et al. 220 espèces ont été inventoriées sur la réserve, auxquelles quelques nouvelles sont à rajouter depuis.
Les environs du village de Dindefelo offrent une bonne entrée en matière. La forêt de savane qui entoure le village permet déjà d’observer une bonne diversité d’espèces. Les arbres fleuris, notamment Bombax costatum, sont très attractifs. Six espèces de souimangas y ont été observées : souimanga à longue queue, souimanga à poitrine rouge, souimanga pygmée, souimanga à tête verte, souimanga violet et souimanga à ventre jaune.
Durant les premières heures de la journée ce sont les rondes d’oiseaux qui permettent les meilleures observations. Au milieu des nombreux astrilds queue-de-vinaigre et érémomèles à dos vert s’observent en petits nombres les gladiateurs de Blanchot, hyliotes à ventre jaune, bulbul à gorge claire et autres. Les touracos violets et coucous de Klaas sont régulièrement observés également.
A proximité du village se trouvent deux zones ouvertes avec une végétation herbacée haute où mélocichles à moustaches et cisticoles chanteuses sont présents. Les colombar à front nu et colombar waalia se font entendre dans les arbres environnants.
La forêt galerie qui mène à la fameuse cascade offre une ambiance unique pour l’observation naturaliste. Une atmosphère sonore agitée est créée par les villageoises venant battre le linge tout au long du ruisseau.
Globalement assez calme, la forêt peut par moments s’agiter et regorger d’oiseaux. Passés les omniprésents bulbuls des jardins, certaines espèces communes s’observent ou s’entendent très régulièrement : pririt à collier, apalis à gorge jaune (au moins 6 mâles chanteurs), tchitrec d’Afrique et tchitrec bleu.

Apalis à gorge jaune – Yellow-breasted Apalis, espèce très présente, à la queue nettement plus courte que les illustrations des guides laissent paraître (queue en repousse ?)
Parmi les espèces communes on trouve les pic cardinal, échenilleur à épaulettes rouges, barbican à croupion jaune, gladiateur soufré, gobemouche mésange, zostérops jaune… Plus rares sont les touracos verts, la tourterelle de l’Adamaoua, l’autour tachiro, le souimanga olivâtre. Nous n’avons pas eu la chance d’observer le trogon narina et les chimpanzés, deux espèces vedettes de Dindefelo plus ou moins discrètes selon les saisons.
Aux heures chaudes de la journée les rapaces occupent le ciel et s’observent assez facilement depuis le village. Busautour des sauterelles, vautours africain et de Rüppell, aigle martial, buse d’Afrique, bateleur des savanes, circaète de Beaudouin, circaète cendré, faucon lanier, crécerelle renard…
Le plateau rocheux dominant Dindefelo nécessite également plusieurs jours de prospection. Sous le village de Dande, une portion de forêt galerie en bon état de conservation rejoint la cascade. Si la diversité d’oiseaux est moins importante que dans la forêt galerie de Dindefelo la richesse en odonates et lépidoptères semble importante, et les nids de chimpanzés ponctuent la canopée.
Le plateau présente une mosaïque d’habitats forestiers plus ou moins denses alternant avec des zones ouvertes buissonnantes ou prairiales.
Les zones brûlées, comme le terrain de football, sont très appréciées par les cochevis modestes, étonnamment peu farouches, et les petits moineaux.
Les rares zones cultivées du plateau se sont révélées très intéressantes. Outre les crécerelles renards y chassant, des espèces plus inattendues y ont été observées, comme un couple de combassous de Wilson. L’espèce est reconnaissable aux rémiges primaires brun délavé et aux pattes claires du mâle. Le chant reste le critère le plus fiable pour la distinguer des autres combassous.
Dans un chemin proche une alouette levée a plusieurs reprises n’a pu être observée qu’après avoir longtemps insisté. Agréable surprise de constater qu’il s’agissait d’une alouette bourdonnante, espèce assez rarement observée dans le pays, notée une seule fois à Dindefelo par Fernández-García et al.
Dans les zones boisées du plateau les observations les plus intéressantes ont été un couple de tourterelles de l’Adamaoua, un bruant cannelle et un tisserin écarlate, ce dernier observé dans une ronde d’oiseaux.
Les zones ouvertes buissonnantes sont très fréquentées par le tarier des prés. Le torcol fourmilier, autre hivernant paléarctique, se rencontre régulièrement dans les fourrés et bosquets, tout comme le mahali à calotte marron.
Un chacal a flancs rayés a été furtivement observé. Noter la taille courte de ses oreilles le différenciant du chacal doré. Cet individu présente un pelage gris clair inhabituel pour l’espèce.
Une des plus belles observations du séjour fut celle d’un groupe de cinq hirondelles à ailes tachetées chassant autour de nous avec des martinets des palmes.
Les falaises surplombant Dindefelo sont le site pour observer les rares hirondelles isabellines et traquet à ventre roux. Quelques zones ouvertes en haut de falaise sont accessibles à travers un bois où les poulettes de roche et babouins de Guinée font la loi. Depuis un de ces promontoires nous avons eu la chance d’observer à plusieurs reprises un couple d’amarantes du Kulikoro dans un groupe d’astrilds queue-de-vinaigre. Il existe une poignée de données au Sénégal de cet endémique ouest-africain (plus de détails ici).
Une des espèces aux observations les plus appréciables est le traquet familier. Nous l’avons régulièrement vu, notamment dans la forêt pentue accédant au plateau. Très peu farouche, cette espèce est un régal à observer par ses attitudes.
Dindefelo est définitivement un site à visiter et revisiter au gré des saisons. Des découvertes naturalistes intéressantes peuvent probablement encore y avoir lieu, ornithologiques ou autres.
Simon
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